Sur le soufisme
Le soufisme : une voie d’amour
Dans le cœur de tout être humain réside un élan pour le sacré. Cet élan, selon la tradition soufie, n’est qu’Amour. La rencontre avec le soufisme permet de ranimer cette flamme, de la nourrir et de la développer en augmentant notre capacité à aimer. Lorsque le cœur, grâce au souffle sacré de l’enseignement spirituel soufi, puise sa subsistance des lumières divines, il contribue à la prière universelle de la création qui elle-même n’est que souffle du Compatissant.
La connaissance spirituelle
La connaissance spirituelle est avant tout une expérience intime. Elle se décrit à travers ce que l’islam reconnaît comme étant l’expression d’une grandes diversité de saveurs. Pour les soufis ces saveurs vont constituer différents repères de la traversée des “états multiples de l’être”. Cette traversée est le fruit d’un intense travail spirituel sur soi. L’élan amoureux du départ aboutit à cette connaissance particulière et ce, par la transformation de l’égo en une âme éclairée. L’être humain prend progressivement conscience de sa dimension intérieure que les soufis appellent le coeur. Comme le révèle le texte coranique, le coeur, en tant qu’organe de perception, est doué d’intelligence. À son tour, le coeur, élève la conscience humaine aux mystères de l’Être dont l’éthique en est une composante fondamentale.
Le parcours spirituel
Le parcours spirituel (ou parcours initiatique) soufi correspond à une traversée de l’aspirant vers lui-même. Suite à l’élan amoureux qui soutient le retour vers le divin (que les soufi aiment appeler le Bien-Aimé) la connaissance spirituelle se dévoile peu à peu, grâce à l’expérimentation de cette traversée. En écho à la conscience de la Présence divine, cet aspirant va vivre au quotidien épanouissement, contrition, nostalgie, crainte révérencielle, anéantissement ou bonheur intense. Ces moments correspondent en fait à des points de contact entre notre centre invisible et le principe divin. Ces points de contact vont, à leur tour, se manifester à travers des rires, de la joie, des cris, une ivresse ou une tristesse. Modalités infinies de la rencontre avec le divin que les soufis appellent aussi le climat de l’être.
La poésie soufie
Pour exprimer l’élan amoureux entre l’amant (l’aspirant) et son Bien-Aimé (Dieu), les soufis privilégient la poésie, autant pour sa dimension symbolique que pour son rythme et sa musicalité. La poésie est aussi un moyen d’éducation spirituelle. Au-delà de l’élan amoureux, les grands thèmes de cette poésie vont évoquer les tristesses de la séparation ou les joies de l’union, les défauts de l’âme égotique ou la subtilité de la connaissance spirituelle, la manière de frapper à la porte divine ou le bel-agir envers autrui. Autant de thèmes qui vont faire de cette poésie un véritable trésor de l’enseignement spirituel dont chaque vers nous rappelle que la connaissance, la réalité divine, se trouvent au-delà des mots!
Le Samaa
Lorsque le cri de l’âme, exprimé en vers, est modulé, rythmé et accordé, la poésie soufie se fait chant. Et lorsque ce cri, élan nostalgique de l’âme, est accompagné par des instruments, on parle alors de musique soufie. Dans un cas comme dans l’autre, il est question de Sama` c’est à dire d’audition et d’écoute spirituelle. Pour les aspirants au soufisme, le Sama` est une invitation à cette écoute. C’est à travers le cœur que l’audition intérieure s’opère et c’est par la pratique du Sama` que l’aspirant réalise que tout dans l’univers n’est que Sama`; car n’est-il pas dit dans les textes sacrés que tout dans la Création chante les louanges du Bien Aimé ?
L’humour soufi
L’humour soufi est une autre manière, propre à cette tradition, de nous éveiller à la dimension spirituelle. Tout d’abord, la subtilité de cet humour met à nu les détours de l’âme récalcitrante dans le chemin vers l’ultime rencontre. L’aspirant à l’éveil va, avant toute chose et avec une grande franchise, rire de lui-même. Ensuite, la finesse de cet humour va l’amener à considérer les intrigues et les crochets de son alter-ego avec une certaine dose de légèreté car, en fin de compte, son semblable n’est nul autre que lui-même. Enfin, l’aspirant, lorsque pétri par le parcours, est alors invité à rejoindre son Bien Aimé sous le ciel de la familiarité. Si, à ce niveau, cette familiarité peut paraître à certains comme une indécence, pour les gens de la proximité divine elle n’est autre que complicité et amour. En fin de compte, l’humour soufi fait du rire un outil important de la pédagogie spirituelle. Loin d’être cynique et moqueur, il élève l’âme vers les hautes sphères de la présence divine et c’est dans ce sens qu’il est très sérieux!